Proposer des leviers d’évolution positive
Par le Dr Pierre Oswald, psychiatre, docteur en sciences psychologiques
La tâche était énorme mais elle a été accomplie ! Le Manuel de l’hyperactivité et du déficit de l’attention est le guide définitif à conseiller aux patients et aux familles que nous, médecins, rencontrons en consultation. Également, il constitue une ressource passionnante pour tout professionnel amené à diagnostiquer le TDAH, à accompagner les patients ou, tout simplement, désireux d’en savoir plus sur un trouble dont on lui a peu parlé durant ses études.
Trop longtemps considéré comme une maladie « à la mode », le TDAH est évoqué dans des centaines d’ouvrages et de sites internet. La raison y laisse souvent la place aux passions et aux opinions, aux conseils plus ou moins farfelus et aux controverses stériles. Il y a les pro-Ritaline, les anti-Ritaline, les sceptiques, les convaincus et pas mal d’illuminés. C’est
donc avec rigueur que les auteurs du Manuel de l’hyperactivité et du déficit de l’attention ont décortiqué les plus récentes recherches et découvertes sur un trouble dont la validité repose désormais sur une vaste littérature scientifique. L’âpreté de la recherche peut rebuter. Et c’est toute la compétence des auteurs, par leur expérience académique et le temps passé auprès des patients, qui permet à ce livre de constituer un ouvrage ludique, facile d’accès et particulièrement adapté à ceux qui ont du mal à terminer une page ou un chapitre
S’il fallait insister sur un point fort de l’ouvrage, outre sa rigueur scientifique, ce serait l’exhaustivité de la description des approches thérapeutiques. Il est loin le temps où la boîte à
outils des médecins ne contenait que le bon vieux méthylphénidate et quelques conseils de bon sens ! Ici, les difficultés attentionnelles sont décrites comme des leviers d’évolution
positive ; le temps, ennemi juré des patients, devient un outil thérapeutique ; et enfin, les émotions et leur régulation font l’objet d’un chapitre aussi passionnant que novateur.
Il y a longtemps, alors chercheur dans le domaine des troubles de l’humeur, mon attention fut attirée sur les parents d’enfants « hyperactifs », que nous considérions au mieux comme « bipolaires », au pire comme excessifs, et, reconnaissons-le, comme assez pénibles… Était-il possible que le TDAH persiste à l’âge adulte ? Le jeune psychiatre que j’étais ne connaissait quasiment rien à ce trouble. C’est alors que frappa à ma porte la présidente d’une jeune association, la bien nommée TDAH Belgique. Spontanée et enthousiaste, elle me conjurait de faire quelque chose pour tous ces patients dont les médecins ne voulaient pas ou ne pouvaient pas s’occuper. Un voyage de formation au Québec plus tard, et voilà que s’ouvre la première consultation spécifiquement consacrée au TDAH adulte en Belgique francophone. Plus de quinze après, ce sont des centaines de personnes que j’ai rencontrées, aussi diverses que fascinantes, aussi incomprises que désireuses d’aller mieux.
Ce sont donc les patients, et leurs familles, qui ont secoué le cocotier. Ce sont eux qui, avec passion, nous imposent une revigorante remise en question. Car, s’il y a bien une catégorie de patients pour qui la passivité est un gros mot, ce sont bien les patients TDAH ! Ils exigent que nous nous tenions au courant et que nous nous débarrassions de nos certitudes médicales… sinon ce sont qui eux qui s’en chargeront ! Et même si, après une journée de consultation, je suis exténué, je suis toujours plus riche de compréhension et de savoir.
Le Manuel de l’hyperactivité et du déficit de l’attention est, d’une certaine manière, un juste retour de cette formidable énergie que les patients et leurs familles nous transmettent. Que les auteurs de l’ouvrage en soient ici remerciés !